Bulletin de l'ALSFX, automne 2009

Accès à l’eau

L’émission du 29 septembre de La facture, à Radio-Canada, était entièrement consacrée à la question de l’accès public aux lacs du Québec. L’animateur, Pierre Craig, y interviewait un amateur de pêche qui se voyait barrer l’accès au lac Saint-Joseph de Saint-Adolphe-d’Howard. Même refus à la seule descente de bateau du lac Tremblant. Il s’interrogeait avec lui sur cette appropriation des lacs par ceux qui y possèdent une propriété. Était-ce bien «leur» lac? Le gouvernement du Québec n’avait-il pas, dans le passé, statué que l’accès devait en être public?

Comme ce pêcheur et quand, jadis, je fuyais le sauna du mois de juillet en ville, ah que j’enviais ceux qui jouissaient d’une telle villégiature, tout en me cherchant un lieu de baignade dans les Laurentides. Qui avait toujours habité là y était pourtant bien chez lui. Et j’y arrivais enfin, sur «mon» lac! Être propriétaire exclusif d’une parcelle de cette richesse, à une heure à peine d’une métropole de plusieurs millions d’habitants, me semblait être un grand privilège. Mais, devant la perception de la fragilité de cet environnement comme de l’inconscience d’un trop grand nombre, je trouvais enfin un argument de poids en ma faveur : je pouvais et devais, en échange, contribuer à la préservation de l’une de nos grandes richesses!

J’allais pourtant être moi-même piqué au vif au début de l’été, en apprenant que mon unique neveu ne pourrait pas venir, avec sa petite famille, me saluer au lac à bord de son tout nouveau yacht. Il l’avait choisi gros et équipé d’un puissant moteur. Mais nous avions précisément vu à en interdire l’accès à de tels visiteurs. C’était suite à des cas de dégradation subie dans le passé à notre descente privée de mise à l’eau et au non respect des limites légales de vitesse comme de l’obligation de laver la coque des bateaux, entre autres. Je voyais alors engloutis tous les rêves de retrouvailles et de griseries nautiques qui devaient peupler l’univers de mon été 2009; ma chaloupe n’aurait pas être jalouse et ma conscience refaisait surface.

Contrairement à mon appréhension, les opinions des uns et des autres ont été mises face à face dans le reportage. Les uns rappelaient que l’ère des lacs privés était dite révolue et plaidaient pour l’application d’une politique d’ouverture au grand public. Les autres, maires des villages concernés ou représentants d’associations de lacs, mettaient en évidence les méfaits d’une circulation accrue et non contrôlable d’embarcations à moteurs sur des plans d’eau parfois déjà trop sollicités à cet égard. Ils étaient en faveur de l’interdiction de passage ou, à tout le moins, d’une réglementation des visites comme cela peut exister ailleurs.

Interviewé aussi, le professeur Richard Carignan, que nous connaissons bien, soulignait qu’il fallait s’inquiéter de la puissance des moteurs plus que du nombre de bateaux. Comme un lourd camion qui endommage autant la route qu’un millier d’autos, le passage d’un gros cylindré sur un petit lac avait un impact disproportionné sur son environnement. Il prônait même l’adoption d’un règlement les y interdisant; mais là, il faudrait en appeler à Ottawa puisque c’est de juridiction fédérale. Ce n’était, bien sûr, pas l’avis du président d’une association de propriétaires d’embarcations motorisées. Pour sa part, la ministre concernée à Québec, Line Beauchamp, aurait refusée d’être interviewée à l’émission.

Par Carl Chapdelaine